Isabelle, maman de Teo, autiste sévère

Publié le par autismeetted-onenparle

Teo a été conçu dans l’amour, dans une famille recomposée puisque le papa a déjà deux enfants (une fille, Sabrina, 20 ans, et un garçon, Nicolas, 25 ans). Et moi, deux garçons (Jérôme, 21 ans, et Mathieu, 24 ans).

La conception a été difficile - difficile de tomber enceinte à 40 ans, un traitement nous a été donné au papa et à moi. Une grossesse difficile (24 kilos), mon grand Mathieu incarcéré en prison pendant huit mois... Beaucoup d’angoisses et de pleurs.

Puis Teo est né le 1er septembre 2005 à 21h35 - par provocation car j’en pouvais plus et je souhaitais qu’il naisse un 1er comme son papa et moi. Un accouchement long et douloureux.

Je savais que c’était un garçon, puisqu’à 4 mois j’ai eu le droit à l’amniocentèse, et je me souviens de ce jour car j’avais demandé à ma gynécologue "si on pouvait voir l’autisme"! Comme quoi! Je pensais à ce syndrome, car je regardais les émissions de santé et j’avais vu le cas d’un petit garçon autiste dans un reportage, et cela m’avait beaucoup affecté.

En apprenant que c'était un garçon, j'ai fait une dépression - je voulais une fille, donc je rejetais Teo au plus profond de moi. Je ne le voulais plus. Puis le temps passe et je finis par l'accepter.

Teo arrive dans un moment où le papa est en plein divorce, donc on le cache. Personne ne vient à la maternité, je prends des photos, mais pareil, on les cache. On ne peut pas trop partager notre joie de parents envers la famille, de peur que le papa perde à son jugement.

Teo est très petit à la naissance: 2,915 kilos pour 49 cm, par rapport à mes deux grands qui faisaient pas loin de 4 kilos, "une crevette", comme je l’appelais.  Je décide de l’allaiter à la demande comme cela se faisait, mais quelle galère! Teo reste collé à mes seins des journées entières dans un portage en écharpe, et la nuit en cocooning. Je n’arrive plus à rien faire!

Un jour, cela faisait 4 mois que je l’allaitais, mon médecin de famille vient pour Jérôme qui était malade et me voit dans un état tel qu’elle décide de me couper le lait, afin que je puisse reprendre une vie normale. Je prends des comprimés, mais pour Teo les choses n’ont pas été si facile que ça. Il refuse tous biberons, toutes tétines, toutes sortes de lait en poudre. Avec l’aide du pédiatre, je trouve le lait Guigoz que Teo finit par accepter, et une tétine qui ressemble fort aux bouts des seins, achetée en pharmacie, et en caoutchouc car en silicone il n’en voulait pas.

 

Teo pousse bien, grandit bien, ne tombe jamais malade malgré le fait que je le sorte par tous les temps. Un bon bébé bien gros, bien grand, qui sourit, qui gazouille, un bébé ordinaire quoi! On lui fait des vaccins à gogo, et à ses 13 mois, le pédiatre décide de le vacciner contre la méningite.

Cette nuit-là, Teo fait une forte réaction au vaccin, hurle, pleure toute la nuit, inconsolable, se tend en position de la forme d’un arc. Impossible de le prendre dans nos bras, je lui mets un suppositoire de doliprane. On se demande si on ne doit pas l’emmener aux urgences, j’appelle le SAMU, on me dit que c’est normal et qu’au petit matin je dois avertir mon pédiatre. J’appelle le pédiatre à 9 heures, qui me rassure et me demande comment est Teo. Je me souviens lui avoir répondu que Teo dormait paisiblement après la nuit blanche passée.

Les jours suivants, Teo va bien, les mois suivants aussi. Il marche, commence à parler, joue avec nous. Et puis à 18 mois commence une régression: il devient un bébé, ne me regarde plus quand je le change, il ne sourit plus, il ne joue plus, il ne parle plus. Il tombe sans arrêt, se cogne, refuse mes repas, se gave de biberons de lait de croissance et de yaourts Danette. D’ailleurs depuis Teo est sélectif, et ne mange que des repas moulinés de bébé 8 mois et des Danettes.

De là commence le parcours du combattant. Je vois le pédiatre tous les mois pour lui expliquer mes craintes. Lui me rassure en me disant que c’est mon troisième, qu'à quatre adultes à la maison nous le couvons de trop, etc.

Je commence à rechercher des infos sur le net. Je poste dans les forums d’enfants différents, et là des mamans affluent en me répondant: "j’ai le même à la maison, c’est un autiste"! Je le savais, et je le dis à mon entourage.

Personne ne me comprend à part Jérôme, qui, revenant d’un anniversaire d’un copain qui a un petit garçon de l’âge de Teo (2 ans à l’époque), me dit avoir remarqué le retard chez son petit frère en comparant le fameux petit garçon présent à la fête. C’est le seul qui me soutient, qui m’écoute, qui me rassure tant bien que mal!

Sur les forums, on me conseille de voir une orthophoniste. C'est difficile car il est non-verbal, donc beaucoup d'entre eux le refusent. Mais je parviens à trouver une jeune qui a travaillé en Belgique avec des enfants autistes et qui prend mon Teo.

J’appelle mon médecin de famille, qui ne suit pas Teo, mais je sais qu’elle va m’écouter car elle me connaît bien. Elle faxe une ordonnance dans un CAMPS de ma ville où je suis reçue le lendemain. Je vois un pédiatre réputé qui pose un premier diagnostic: il est TED.

- "Vous savez ce que cela signifie?"

- "Oui, il est autiste, je le savais."

Il me tend un document: un document d’abandon! "Que voulez-vous que je fasse de ce document?" Il me répond: "vous pouvez le signer sans que je porte de jugement". Je reste bouche bée, surprise. Il me rassure en me disant que beaucoup de parents les abandonnent. Je lui hurle "NON!"

"Je ne vais pas l’abandonner, je vais l’aider, il a besoin de mon aide."

Le pédiatre m’avertit tout de même que ma vie va basculer, que mon couple va s’effondrer, que ma vie va être "une merde". Je me souviens de ces mots comme si c'était hier. Je me lève et je lui dis que tant pis, que j’ai déjà élevé et que j’élève encore un enfant handicapé, et donc que je vais élever Teo, et je pars de ce centre, choquée.

Mais ce pédiatre contacte le CMP. Une pédopsychiatre m’appelle et me fixe un rendez-vous. Nous y allons avec Teo. Elle confirme en voyant mon fils dans son bureau qu’il est autiste et qu’il faut une prise en charge à 100% de la sécurité sociale pour son suivi dans ce centre, puis décide de nous diriger vers une psychologue pour, soi-disant, nous aider.

Donc, pendant trois mois, je vois une psychologue, sans le papa qui s’y refuse. Elle me fait culpabiliser de l’état de Teo, me dit que c’est ma faute, la faute de ma grossesse difficile, la faute de la mauvaise entente avec le papa, la faute de trop le couver, etc.

Elle me dit avoir suivi une petite fille avec le diagnostic d’autiste, et qu’à 5 ans elle en a guérit, et donc que personne là-bas ne sera à même de poser un diagnostic sur un papier. Du jour au lendemain, je cesse les rendez-vous. Ils me harcèlent au téléphone, et je finis par ne plus répondre.

 

Entre temps, je contacte des associations, je m’adhère dans l’espoir d’une aide. Autisme France me dirige vers Autisme54, me conseille le CRA de ma région, et j’obtiens un rendez-vous pour des évaluations en un mois de temps. Nous rencontrons un pédopsychiatre formé autiste depuis 10 ans - je me suis d'ailleurs toujours demandé s’il ne l'était pas lui aussi!

Bref, Teo passe des évaluations. Il n’avait pas encore 30 mois. Tout se passe mal, Teo pleure beaucoup, il refuse de se retrouver dans une grande pièce avec des étrangers.

Une infirmière le drogue pour le calmer - je ne l’ai su que longtemps après. Au bout de deux jours d’évaluation, le verdict tombe: il est autiste sévère avec déficience mentale. Le papa pleure, et moi je ris aux éclats comme une folle de soulagement. Le médecin nous dit aussi: "votre vie va basculer, vous allez en baver, vous allez vous séparer, vous allez vivre une vie de merde, donc il faut le mettre au CMP en HDJ pour un bon suivi".

Mais plusieurs mamans m’avaient déjà avertie de fuir ces centres-là. Avant de partir, nous voyons une assistante sociale pour des documents administratifs, et je lui demande s’il n’existe pas une école spécialisée en Belgique pour Teo. Elle me communique une adresse.

Arrivée à la maison, je prends contact avec cette école qui nous fixe un rendez-vous le jour suivant pour la visiter. Le CMP ne nous lâche pas en appelant sans arrêt, mais mon seul souhait c’est qu’il aille en Belgique. Pour moi, c’était une protection que le faire partir de France.

Après la visite de l’école, sans réfléchir, nous l’inscrivons sans attendre l’autorisation et la décision de la MDPH. Teo fréquente l’école dès le lendemain. La directrice s’occupe de tout, s’occupe des demandes. Teo est vu par une psychiatre géniale, à l’écoute de nos attentes, qui appuie notre dossier et qui met en place tous les besoins de Teo pour une bonne scolarité.

Il est scolarisé d'avril à juillet 2008 en Belgique, à temps plein du lundi au vendredi. À 8 heures il part en taxi et rentre à 17 heures 15 par nos soins, car nous voulions rencontrer l’équipe tous les jours là-bas.

Teo fait des progrès énormes entourés d’enfants ordinaires qui le stimulent. On m’apprend la méthode TEACCH en plus de la méthode PECS que j’avais mis déjà en place depuis quatre mois. Tout se passe très bien, Teo adore aller là bas.

Puis, à la rentrée en septembre, on décide d’emmener Teo et son anniversaire se fête parmi sa classe. Le soir je reçois les photos, et là je découvre Teo en pleurs sur toutes les photos. Je décide d’y aller de temps en temps par surprise, et je découvre, à chaque fois, Teo soit en pleurs, soit attaché dans une poussette avec un grand biberon d’eau et fixant le plafond. Dans sa classe, je m’aperçois que ce sont d’autres enfants tous forts poly-handicapés avec diverses pathologies, avec une équipe débordée.

À la fin du mois, je décide d’aller rencontrer le référent scolaire que je connais bien de la scolarisation à l’époque de Jérôme (handicapé d’une maladie de Still), et je lui demande si je peux scolariser Teo dans l’école maternelle de mon quartier. Il fait les démarches, et du jour au lendemain je décide de retirer Teo de l'école en Belgique pour le scolariser en France. D’un jour à l’autre, il a basculé d’une école à l’autre, en l’ayant préparé avec des pictogrammes, et cela ne l’a pas perturbé du tout.

Depuis octobre 2008, il est toujours scolarisé dans cette école, à temps plein, avec cette année une AVS formée à l'autisme qui pratique la méthode ABA.

En novembre 2008, je décide de me séparer du papa, car le stress et les disputes sont trop présentes dans cette vie familiale, ce qui angoisse énormément mon petit Teo, et le fait se renfermer dans sa bulle.

Après son départ, dans une ambiance calme et sereine, Teo fait des progrès énormes. Comme si vous plantiez une graine, et qu'elle ne s'ouvre pas, et tout d'un coup avec de l'amour, elle sort de la terre et s'ouvre au monde et devient une fleur. Ce n’est plus le légume qu’il était,  dans le sens où il est beaucoup plus présent dans notre monde, son regard aussi est plus fréquent, et il n’a aucun souci de socialisation.

Il travaille le programme de la moyenne section pour le préparer à passer l’an prochain en GS. Il pratique toujours le PECS à 100%, même à l’école, avec un classeur de communication,. Il est demandeur pour travailler avec son AVS ou avec moi, pour apprendre aussi. Il vocalise de plus en plus, il sort des mots par-ci par-là. Il comprend les consignes simples. Il s’est très bien adapté.

 

Sa prise en charge actuelle est une séance d'une heure  avec une orthophoniste formée à l'autisme chaque semaine, une prise en charge ABA, bientôt le SESSAD et  le travail à la maison avec moi en collaboration avec ses intervenants, et avec mes grands garçons qui le stimulent aussi.

Voilà l'histoire de Teo!

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U
Un témoignage hélas trop fréquemment entendu. Mon fils a fait la même réaction, mais après le vaccin du ROR. Il a aujourd'hui 16 ans, et si nous avons eu quelques bons moments avec lui, la vie pour moi est faite de sacrifices et pour lui de souffrances et de tocs. Toutefois, j'ai réagi assez rapidement en le mettant au régime sans gluten et sans caséine. La différence fut très nette. Mon parcours est jonché de grands espoirs et de petites réussites. Aujourd'hui, avec mon compagnon, lassés qu'on prenne les parents pour des abrutis, ou pour responsables de la maladie de leur enfant, nous avons décidé de fonder l'association Une brique dans le mur pour prendre en charge non pas l'autiste, mais l'autisme. Or l'autisme englobe : non seulement l'enfant, mais surtout sa famille et son entourage. Je vous conseille vivement de visionner le site Une brique dans le mur. http://www.unebriquedanslemur.info, vous y trouverez beaucoup de renseignements utiles et peut-être une porte de sortie.
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